Echange et création : un pari démesuré ?

Pour certains le terme de création est lié à la première présentation ou exécution d’une œuvre, et à la commande qui précède cette œuvre. Il est néanmoins impossible de la dissocier du geste de l’artiste.

Qu’il soit prémédité, écrit ou improvisé, ce geste peut et doit être nécessaire, pour toucher le public et passer d’une technique à un art. Il peut alors être considéré comme « acte de création ».

Or, à Mens et dans le Trièves, territoire marqué à la fois par sa singularité et par sa situation de carrefour, le contexte et la dualité du public entre habitants et estivants, entre les « vrais mensois » et les autres, s’impose à nous.

Notre parti pris est que la nécessité du geste artistique est directement liée à sa réception par un public dont la position et la perception sont d’autant plus complexes que le geste est libre.

Nous voulons offrir la liberté à l’artiste de produire le spectacle qu’il désire, sans se soumettre à la « demande ».

Dans un territoire peu densément peuplé et où les lignes de faille sociologiques et politiques qui le traversent sont particulièrement visibles, la liberté de l’artiste dépend directement de sa capacité à s’adresser au public, à « projeter », « incarner » dans l’instant, pour dépasser les lignes de fractures qui condamnerait son geste à être jugé illégitime par la majorité des spectateurs : d’aucun dirait qu’il « est élitiste » ou qu’il se « fait plaisir » en le condamnant sévèrement.

La réussite du projet repose donc sur la capacité des artistes à faire acte de création. Pour ce faire, et compte-tenu de la modestie de nos moyens financiers, la SEULE commande qui leur est passée est : soyez libres et intégrez le public.

Les artistes qui viennent sont dès lors engagés dans l’acte artistique en lui-même, tout en étant plongés dans le jeu de la rencontre et de l’échange.

Le caractère éphémère de l’implantation dans des lieux très différents apporte lui-même et son charme et ses contraintes.

Pour être réussi, l’acte artistique doit donc dépasser l’exécution, l’interprétation, pour devenir un spectacle total (incluant le temps, le lieu et le public) : un spectacle unique !

C’est parce que nous sommes à l’affût d’une telle manifestation de « l’extra ordinaire » que nous faisons de ce festival la fabrique de ce que peut être « un festival d’échange et de création ».